mercredi 1 décembre 2010

Soudainement plus blanc

Nous étions dans les tons de gris la dernière fois ; depuis hier soir, la neige tombe. Le parterre se purifie, non pas sous la poussée soudaine d'une plate bande de violettes blanches, mais depuis le ciel. 
Faisons un inventaire des beautés endormies sous cet épais voile blanc : iris, joncquilles, tulipes, jacinthes, crocus, pâquerettes, et la reine de toute, vivace et spontanée, la violette, qui sortiront aux temps renouvelés de l'épais milieu rouge et boueux qui leur sert de berceau. Les nouvelles venues, nos belles roses, ne seront pas vexées de se voir ravir le titre royal, mais qui ne céderait devant la tendre au coeur d'or et aux contours violets ? Beaucoup de monde en réalité, et même, comme dans le poème de Goethe, la jeune paysanne, qui écrase la petite qui aurait bien voulu être, pour un quart d'heure seulement, la plus belle fleur de la nature. Mais qu'importe, elles sont là, et le seront d'autant plus qu'elles méditent, enfouies sous les cristaux, leur futur épanouissement au grand soleil revenu, à la chaleur nouvelle, au printemps, celui des plantes et celui des coeurs.  Elles sont pour nous ici les plus belles fleurs de notre jardin.
Pendant que la poésie dort sous terre et neige, dans les intérieurs, on prépare ce qu'on peut de plans nourriciers, pomme de terre, choux, et peut-être plus tard épinards. On ne vit pas de fleurs, même si on vit difficilement sans.
D'ici là, chère neige, continue à tomber ! Que l'on puisse traverser les routes, au-devant des voitures au pas, que l'on puisse arpenter les trottoirs, sans prendre garde aux vélos, que l'on puisse savourer le ralentissement général, les salles de spectacle à moitié vides, le délire arrêté, les gens empêchés, de marcher et de courber l'échine sur leur chapelets électroniques, les roues collées, les colloques suspendus, les cantines fermées, et les arbres supportant majestueusement les couches volumineuses de blancheur qui se déposent sur leurs branches nues, pendant que l'homme, puissance de la Création, s'abolit d'un seul coup sous le châtiment de la pluie de flocons qui s'abat sur lui.
A bientôt.