mercredi 20 octobre 2010

C'est l'automne pour les plantes, mais le printemps pour le bitume.



En effet, le vert pâlit, mais la ville se grise ; d'ailleurs, elle a beaucoup la gueule du bois, qui est à la mode, façon vieux chalet campagnard. Le nouveau septième arrondissement, annoncé en fanfare par de gigantesques pancartes fluos, commence à ressembler à un vaste parc d'attraction, avec ses immeubles en forme de résidences de vacance : jalousies au balcon en faux bois, architecture vitrifiée, lissage des surfaces, bases amincies et arrondies. A nous l'existence plastifiée.

Voilà donc une saison idéalement basse pour le moral ; car si le béton pousse toute l'année, les feuilles, elles, ne tombent qu'en cette période, ce qui fait deux raisons de ne pas se sentir très bien, puisque le ciel, les murs et la terre sont gris ; l'air du temps, lui, est noir. Et, Schiller nous rappelle de l'autre côté, que « la vie fleurit une fois au mois de mai, et pas de nouveau ». D'ici là, nous continuerons de voir baisser la lumière autour de nous. Les jours se raccourcissent, le soleil paraît peu, et les immeubles le cachent.

Malgré tout, en automne, on sème beaucoup de choses ; des choses surtout qui passeront vaillamment l'hiver, à commencer par les blés, qui rivalisent de rusticité. Ils sont bien poussés déjà, leurs racines doivent leur permettre de supporter des premiers froids éprouvants (3° C ce matin). Deux rosiers aussi, qui ne fleuriront probablement que pour les jardiniers des années à venir, ont été plantés, qui s'appellent, je crois, velours rouge, en tout cas certainement pas Blue velvet, mais je crois bien qu'il était question de velours. Nous verrons bien, et tout ce qui importe est qu'elles soient suffisamment belles pour honorer, éventuellement, une future à qui elles seront offertes. Pour ces petits rosiers achetés en racines nues, nous avons disposé dans le trou creusé quelques orties (comme pour les tomates) puis mis dessus directement les racines, et, après avoir recouvert jusqu'à moitié, paillé le sol des quelques feuilles de consoude, puis terminé d'enfouir le pied. Remèdes universels ? Non, ce que nous avons sous la main. Espérons que cela marchera, et dirons-nous l'intensité de notre souhait de trouver en mars déjà une ou deux roses ? Ce sol semble particulièrement adapté aux rosiers, lourd, puissant, caillouteux, plein de minéraux. Nous avons aussi déterré les bulbes, qui s'étaient multipliés. Avec les acquis, nous avons presque fait le tour des deux parcelles. Le printemps va être splendide, et serein peut-être. Il vient juste à l'esprit que, sans le faire exprès, on a planté le deuxième rosier juste à côté d'un choux. Voilà une juxtaposition qui fait penser à l'une des maximes de Fortunio :

« Je croirais volontiers en Dieu, s'il ne ressemblait pas tant à un marguillier de paroisse, et je pense que les roses sont plus utiles que les choux. »

Ce qui, à son tour, déclenche un souvenir que l'on ne tarde pas à localiser dans la préface de Mademoiselle de Maupin : « Je renoncerais plutôt aux pommes de terre qu'aux roses, et je crois qu'il n'y a qu'un utilitaire au monde capable d'arracher une plate-bande de tulipes pour y planter des choux. » Nous n'avons pas eu à faire le choix.

Planter à cette saison, c'est aussi procéder à une transition ; installer un peu de continuité, et même, envisager l'hiver comme une période fertile, et non pas cette époque désagréable de l'année où il ne fait que faire froid (et où les magasins produisent le tiers de leur bénéfice annuel). C'est le temps de la dormance : non seulement les plantes ne pousseraient pas ainsi au printemps si elles ne s'étaient pas reposées dans le froid, mais en plus bon nombre de graines ne germent qu'à la condition de s'y être installées. C'est par exemple le cas des pépins de pomme et de poire. Un pépin qui germe tout seul au début de printemps en pleine terre donnera un arbre d'une incomparable robustesse. Aux fruits sauvages, certes, mais quelques arbres sauvages donnent des fruits d'une très grande distinction ; les brugnons sont fins et savoureux, on les croirait nourris par une vanille fine. Les prunes aussi, qui n'ont rien à envier à ces domesticités colorées, qu'on trouve sur les étalages en été et qui ne sont que de gros paquets de tissus épais. Et si l'on mettait des noyaux en terre, pour avoir des arbres dans les années à venir ? Là encore, un héritage pour les jardiniers successeurs, ombre et gourmandise estivales.

Voilà les tomates enterrées, pour ne pas perdre le bénéfice de tout l'azote et de tout le potassium accumulés. Avant de tout découper et enfouir, nous avons récolté les dernières tomates vertes. Il y en a deux fois plus que tout ce que l'on a récolté de rouge. Si l'on arrive à en faire quelque chose, la recette sera disponible ici.